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MADAME MEURIOT

l’oreille. Son visage de vieux plaisantin bon enfant s’était renfrogné. Il regarda l’heure de nouveau, et à sa montre, et à sa pendule : six heures et quart ! Une anxiété secrète l’agitait. Il inspecta minutieusement le couvert, sortit du buffet des coupes à champagne qu’il plaça lui-même sur la table, vint enfin s’asseoir auprès des deux femmes.

― Et Gustave ? demanda-t-il de nouveau.

Il regardait sa femme, bien dans les yeux. Celle-ci n’avait pas vu rentrer Gustave.

Alors, comme le front de M. Honorat restait soucieux, madame Camoin :

― Si vous n’attendez plus que mon mari, vous savez, il faut commencer…

― Ce n’est pas que j’aie faim déclara M. Honorat, devenu maussade. Mais je voudrais que Camoin soit ici.

Soudain, dans l’antichambre, ce fut tout un vacarme : des éclats de rire de Rosalie, des exclamations, de petits cris, comme si quelqu’un la chatouillait et, au milieu, une voix d’homme, grave. C’était l’oncle Camoin. Il venait de rencontrer dans l’escalier Rosalie remontant de la cave, et, galamment, avait voulu porter le panier à bouteilles. Maintenant, il n’en finissait plus de se débarrasser de son pardessus, de le pendre sous son chapeau, à la patère. La bonne l’aidait, pouffant de rire. Enfin, après avoir fait mine de lui reprendre le panier à bouteilles, de la poursuivre dans la cuisine, il entra en se frottant les mains. L’œil humide, le teint fleuri, la panse en avant, les cheveux tout blancs, mais crevant de santé et jeune, il vint embrasser sa belle-sœur.