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MADAME MEURIOT

― Toujours solide et toujours beau ! dit la mère Honorat en riant de bon cœur. Voyez-le il a vingt-cinq ans…

― Et trente-cinq avec… laissa tomber madame Camoin.

Je vous réembrasse pour cette bonne parole, ma chère belle-sœur.

Et il l’embrassa quatre fois de suite, sur ses vieilles joues, exsangues, molles :

― Assez ! faisait celle-ci. Assez ou je vais le dire à Honorat !

Honorat souriait, sa maussaderie disparue. Et lorsque l’oncle Camoin lui eut serré la main

― Allons ! maintenant, à table !

Il alla prendre la lampe sur le buffet et l’introduisit dans la suspension, en criant à Rosalie : « La soupe ! » madame Honorat, dans son fauteuil, fit la geste de se lever. L’oncle Camoin, reste debout devant les deux sœurs, à se dandiner avec des grâces de colosse, se précipita. Ce fut toute une affaire, d’aider la paralytique à se remettre sur ses jambes enkylosées et fléchissantes. Mais, soulevée par le bras robuste de l’oncle Camoin, une fois qu’elle se sentit debout :

― Lâchez tout ! s’écria-t-elle… Non ! Je vous dis de me lâcher !

Et, chancelante, elle gagna pourtant sa chaise, sans le secours de personne. Madame Camoin avait eu le temps d’apporter le coussin, sur lequel elle se laissa tomber.

― Là ! fit l’oncle Camoin, qui l’avait suivie les bras ouverts, prêt à la recevoir en cas de chute. Aujourd’hui, vous avez marché comme une gazelle.