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GOUVERNEMENT FÉDÉRAL.

des représentants, quarante fois plus d’influence que le premier. Ainsi, il peut arriver que la minorité de la nation, dominant le sénat, paralyse entièrement les volontés de la majorité, représentée par l’autre chambre ; ce qui est contraire à l’esprit des gouvernements constitutionnels.

Tout ceci montre bien à quel degré il est rare et difficile de lier entre elles d’une manière logique et rationnelle toutes les parties de la législation.

Le temps fait toujours naître à la longue, chez le même peuple, des intérêts différents, et consacre des droits divers. Lorsqu’il s’agit ensuite d’établir une constitution générale, chacun de ces intérêts et de ces droits forme comme autant d’obstacles naturels qui s’opposent à ce qu’aucun principe politique ne suive toutes ses conséquences. C’est donc seulement à la naissance des sociétés qu’on peut être complétement logique dans les lois. Lorsque vous voyez un peuple jouir de cet avantage, ne vous hâtez pas de conclure qu’il est sage ; pensez plutôt qu’il est jeune.

À l’époque où la constitution fédérale a été formée, il n’existait encore parmi les Anglo-Américains que deux intérêts positivement opposés l’un à l’autre : l’intérêt d’individualité pour les États particuliers, l’intérêt d’union pour le peuple entier ; et il a fallu en venir à un compromis.

On doit reconnaître, toutefois, que cette partie de la constitution n’a point, jusqu’à présent, produit les maux qu’on pouvait craindre.

Tous les États sont jeunes ; ils sont rapprochés les uns des autres ; ils ont des mœurs, des idées et des besoins homogènes ; la différence qui résulte de leur