Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 2.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
97
DU GOUVERNEMENT DE LA DÉMOCRATIE.

Je pense donc qu’il faut exécuter dans toute leur étendue les engagements que nous avons déjà contractés ; mais je crois inutile et imprudent d’en contracter d’autres. Plaçons-nous toujours de manière à faire respecter notre position, et des alliances temporaires suffiront pour nous permettre de faire face à tous les dangers. »

Précédemment Washington avait énoncé cette belle et juste idée : « La nation qui se livre à des sentiments habituels d’amour ou de haine envers une autre, devient en quelque sorte esclave. Elle est esclave de sa haine ou de son amour. »

La conduite politique de Washington fut toujours dirigée d’après ces maximes. Il parvint à maintenir son pays en paix, lorsque tout le reste de l’univers était en guerre, et il établit comme point de doctrine que l’intérêt bien entendu des Américains était de ne jamais prendre parti dans les querelles intérieures de l’Europe.

Jefferson alla plus loin encore, et il introduisit dans la politique de l’Union cette autre maxime : « Que les Américains ne devaient jamais demander de priviléges aux nations étrangères, afin de n’être pas obligés eux-mêmes d’en accorder. »

Ces deux principes, que leur évidente justesse mit facilement à la portée de la foule, ont extrêmement simplifié la politique extérieure des États-Unis.

L’Union ne se mêlant pas des affaires de l’Europe, n’a pour ainsi dire point d’intérêts extérieurs à débattre, car elle n’a pas encore de voisins puissants en Amérique. Placée par sa situation autant que par sa volonté en dehors des passions de l’Ancien Monde,