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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

avancer cette maxime : que tout est permis dans l’intérêt de la société. Maxime impie, qui semble avoir été inventée dans un siècle de liberté pour légitimer tous les tyrans à venir.

Ainsi donc, en même temps que la loi permet au peuple américain de tout faire, la religion l’empêche de tout concevoir et lui défend de tout oser.

La religion, qui, chez les Américains, ne se mêle jamais directement au gouvernement de la société, doit donc être considérée comme la première de leurs institutions politiques ; car si elle ne leur donne pas le goût de la liberté, elle leur en facilite singulièrement l’usage.

C’est aussi sous ce point de vue que les habitants des États-Unis eux-mêmes considèrent les croyances religieuses. Je ne sais si tous les Américains ont foi dans leur religion, car qui peut lire au fond des cœurs ? mais je suis sûr qu’ils la croient nécessaire au maintien des institutions républicaines. Cette opinion n’appartient pas à une classe de citoyens ou à un parti, mais à la nation entière ; on la retrouve dans tous les rangs.

Aux États-Unis, lorsqu’un homme politique attaque une secte, ce n’est pas une raison pour que les partisans mêmes de cette secte ne le soutiennent pas ; mais s’il attaque toutes les sectes ensemble, chacun le fuit, et il reste seul.

Pendant que j’étais en Amérique, un témoin se présenta aux assises du comté de Chester (État de New York) et déclara qu’il ne croyait pas à l’existence de Dieu et à l’immortalité de l’âme. Le président refusa de recevoir son serment, attendu, dit-il,