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CAUSES QUI MAINTIENNENT LA DÉMOCRATIE.

que le témoin avait détruit d’avance toute la foi qu’on pouvait ajouter à ses paroles[1]. Les journaux rapportèrent le fait sans commentaire.

Les Américains confondent si complètement dans leur esprit le christianisme et la liberté, qu’il est presque impossible de leur faire concevoir l’un sans l’autre ; et ce n’est point chez eux une de ces croyances stériles que le passé lègue au présent, et qui semble moins vivre que végéter au fond de l’âme.

J’ai vu des Américains s’associer pour envoyer des prêtres dans les nouveaux États de l’Ouest, et pour y fonder des écoles et des églises ; ils craignent que la religion ne vienne à se perdre au milieu des bois, et que le peuple qui s’élève ne puisse être aussi libre que celui dont il est sorti. J’ai rencontré des habitants riches de la Nouvelle-Angleterre qui abandonnaient le pays de leur naissance dans le but d’aller jeter, sur les bords du Missouri ou dans les prairies des Illinois, les fondements du christianisme et de la liberté. C’est ainsi qu’aux États-Unis le zèle religieux s’échauffe sans cesse au foyer du patriotisme. Vous pensez que ces hommes agissent uniquement dans la considération de l’autre vie, mais vous vous trompez : l’éternité n’est qu’un de leurs soins. Si vous interrogez

  1. Voici en quels termes le New-York Spectator du 23 août 1831 rapporte le fait : « The court of common pleas of Chester county (New-York) a few days since rejected a witness who declared his disbelief in the existence of God. The presiding judge remarked that he had not before been aware that there was a man living who did not believe in the existence of God ; that this belief constituted the sanction of all testimony in a court of justice and that he knew of no cause in a christian country where a witness had been permitted to testify without such a belief. »