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ÉTAT ACTUEL ET AVENIR DES TROIS RACES.

Tous les États de l’Union sont entraînés en même temps vers la fortune ; mais tous ne sauraient croître et prospérer dans la même proportion.

Au nord de l’Union, des rameaux détachés de la chaîne des Alléghanys s’avançant jusque dans l’océan Atlantique, y forment des rades spacieuses et des ports toujours ouverts aux plus grands vaisseaux. À partir de la Potomac, au contraire, et en suivant les côtes de l’Amérique jusqu’à l’embouchure du Mississipi, on ne rencontre plus qu’un terrain plat et sablonneux. Dans cette partie de l’Union, la sortie de presque tous les fleuves est obstruée, et les ports qui s’ouvrent de loin en loin au milieu de ces lagunes ne présentent point aux vaisseaux la même profondeur, et offrent au commerce des facilités beaucoup moins grandes que ceux du Nord.

À cette première infériorité qui naît de la nature, s’en joint une autre qui vient des lois.

Nous avons vu que l’esclavage, qui est aboli au Nord, existe encore au Midi, et j’ai montré l’influence funeste qu’il exerce sur le bien-être du maître lui-même.

Le Nord doit donc être plus commerçant[1] et plus

  1. Pour juger de la différence qui existe entre le mouvement commercial du Sud et celui du Nord, il suffit de jeter les yeux sur le tableau suivant :

    En 1829, les vaisseaux du grand et du petit commerce appartenant à la Virginie, aux deux Carolines et à la Géorgie (les quatre grands États du Sud), ne jaugeaient que 5,243 tonn.

    Dans la même année, les navires du seul État du Massachusetts jaugeaient 17,322 tonn. (Documents législatifs, 21e congrès, 2e session, no 140, p. 244.) Ainsi le seul État du Massachusetts avait trois fois plus de vaisseaux que les quatre États sus-nommés.

    Cependant l’État du Massachusetts n’a que 959 lieues carrées de su-