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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

titude d’individus hors d’eux-mêmes ; quelque séparés qu’ils soient naturellement par l’âge, l’esprit, la fortune, elle les rapproche et les met en contact. Ils se rencontrent une fois et apprennent à se retrouver toujours.

L’on ne peut s’engager dans la plupart des associations civiles qu’en exposant une portion de son patrimoine ; il en est ainsi pour toutes les compagnies industrielles et commerciales. Quand les hommes sont encore peu versés dans l’art de s’associer et qu’ils en ignorent les principales règles, ils redoutent, en s’associant pour la première fois de cette manière, de payer cher leur expérience. Ils aiment donc mieux se priver d’un moyen puissant de succès, que de courir les dangers qui l’accompagnent. Mais ils hésitent moins à prendre part aux associations politiques qui leur paraissent sans péril, parce qu’ils n’y risquent pas leur argent. Or, ils ne sauraient faire longtemps partie de ces associations-là sans découvrir comment on maintient l’ordre parmi un grand nombre d’hommes, et par quel procédé on parvient à les faire marcher, d’accord et méthodiquement, vers le même but. Ils y apprennent à soumettre leur volonté à celle de tous les autres, et à subordonner leurs efforts particuliers à l’action commune, toutes choses qu’il n’est pas moins nécessaire de savoir dans les