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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

au premier abord. Puisqu’on n’aperçoit rien, ni dans les mœurs, ni dans les lois de l’Amérique, qui doive y borner les désirs et les empêcher de prendre de tous côtés leur essor.

Il semble difficile d’attribuer à l’égalité des conditions ce singulier état de choses ; car, au moment où cette même égalité s’est établie parmi nous, elle y a fait éclore aussitôt des ambitions presque sans limites. Je crois cependant que c’est principalement dans l’état social et les mœurs démocratiques des Américains qu’on doit chercher la cause de ce qui précède.

Toute révolution grandit l’ambition des hommes. Cela est surtout vrai de la révolution qui renverse une aristocratie.

Les anciennes barrières qui séparaient la foule de la renommée et du pouvoir, venant à s’abaisser tout à coup, il se fait un mouvement d’ascension impétueux et universel vers ces grandeurs longtemps enviées et dont la jouissance est enfin permise. Dans cette première exaltation du triomphe, rien ne semble impossible a personne. Non seulement les désirs n’ont pas de bornes, mais le pouvoir de les satisfaire n’en a presque point. Au milieu de ce renouvellement général et soudain des coutumes et des lois, dans cette vaste confusion de tous les hommes et de toutes les règles, les citoyens s’élèvent et tombent avec une