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SUR LES MOEURS PROPREMENT DITES.

ce grand effort, et songe à jouir de sa conquête. La crainte de compromettre ce qu’il possède amollit déjà dans son cœur l’envie d’acquérir ce qu’il n’a pas. Après avoir franchi le premier et le plus grand obstacle qui arrêtait ses progrès, il se résigne avec moins d’impatience à la lenteur de sa marche. Cet attiédissement de l’ambition s’accroît à mesure que, s’élevant davantage en grade, il trouve plus à perdre dans les hasards. Si je ne me trompe, la partie la moins guerrière comme la moins révolutionnaire d’une armée démocratique sera toujours la tête.

Ce que je viens de dire de l’officier et du soldat n’est point applicable à une classe nombreuse qui, dans toutes les armées, occupe entre eux la place intermédiaire ; je veux parler des sous-officiers.

Cette classe des sous-officiers qui, avant le siècle présent, n’avait point encore paru dans l’histoire, est appelée désormais, je pense, à y jouer un rôle.

De même que l’officier, le sous-officier a rompu dans sa pensée tous les liens qui l’attachaient à la société civile ; de même que lui, il a fait de l’état militaire sa carrière, et, plus que lui peut-être, il a dirigé de ce seul côté tous ses désirs ; mais il n’a

    même, plus le grade a comparativement de prix, et plus le législateur trouve juste et nécessaire d’en assurer la jouissance.