soin de le tirer du milieu des ruines, et que, depuis, on l’a toujours tenu soigneusement à l’abri des révolutions. Les administrateurs ont encore coutume d’appeler le privilège qui leur est accordé par cet article une des grandes conquêtes de 89 ; mais en cela ils se trompent également, car, sous l’ancienne monarchie, le gouvernement n’avait guère moins de soin que de nos jours d’épargner aux fonctionnaires le désagrément d’avoir à se confesser à la justice, comme de simples citoyens. La seule différence essentielle entre les deux époques est celle-ci : avant la Révolution, le gouvernement ne pouvait couvrir ses agents qu’en recourant à des mesures illégales et arbitraires, tandis que, depuis, il a pu légalement leur laisser violer les lois.
Lorsque les tribunaux de l’ancien régime voulaient poursuivre un représentant quelconque du pouvoir central, il intervenait d’ordinaire un arrêt du conseil qui soustrayait l’accusé à ses juges et le renvoyait devant des commissaires que le conseil nommait ; car, comme l’écrit un conseiller d’État de ce temps-là, un administrateur ainsi attaqué eût trouvé de la prévention dans l’esprit des juges ordinaires, et l’autorité du roi eût été compromise. Ces sortes d’évocations n’arrivaient pas seulement de loin en loin, mais tous les jours ; non-seulement à propos des principaux agents, mais des moindres. Il suffisait de tenir à l’administration par le plus petit fil pour n’avoir rien à craindre que d’elle. Un piqueur des ponts-et-chaussées chargé de diriger la corvée est poursuivi par un paysan qu’il a