Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/164

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Lors de la réforme municipale de 1764, un intendant consulte les officiers municipaux d’une petite ville sur la question de savoir s’il faut conserver aux artisans et autre menu peuple le droit d’élire les magistrats. Ces officiers répondent qu’à la vérité « le peuple n’a jamais abusé de ce droit, et qu’il serait doux sans doute de lui conserver la consolation de choisir ceux qui doivent le commander, mais qu’il vaut mieux encore, pour le maintien du bon ordre et la tranquillité publique, se reposer de ce fait sur l’assemblée des notables ». Le subdélégué mande de son côté qu’il a réuni chez lui, en conférence secrète, les « six meilleurs citoyens de la ville. » Ces six meilleurs citoyens sont tombés unanimement d’accord que le mieux serait de confier l’élection, non pas même à l’assemblée des notables, comme le proposaient les officiers municipaux, mais à un certain nombre de députés choisis dans les différents corps dont cette assemblée se compose. Le subdélégué, plus favorable aux libertés du peuple que ces bourgeois mêmes, tout en faisant connaître leur avis, ajoute « qu’il est cependant bien dur à des artisans de payer, sans pouvoir en contrôler l’emploi, des sommes qu’ont imposées ceux de leurs concitoyens qui sont peut-être, à cause de leurs privilèges d’impôts, le moins intéressés dans la question. »

Mais achevons le tableau ; considérons maintenant la bourgeoisie en elle-même, à part du peuple, comme nous avons considéré la noblesse à part des bourgeois. Nous remarquons dans cette petite portion de la nation,