Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/192

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à celle-ci ou lui peut nuire. Pourvu qu’elle soit libre et prospère, qu’importe le reste ? Sa condition la plus naturelle en politique est l’indifférence : excellent membre de la cité chrétienne, médiocre citoyen partout ailleurs. De pareils sentiments et de semblables idées, dans un corps qui est le directeur de l’enfance et le guide des mœurs, ne peuvent manquer d’énerver l’âme de la nation tout entière en ce qui touche à la vie publique.

Si l’on se veut faire une idée juste des révolutions que peut subir l’esprit des hommes par suite des changements survenus dans leur condition, il faut relire les cahiers de l’ordre du clergé en 1789.

Le clergé s’y montre souvent intolérant et parfois opiniâtrement attaché à plusieurs de ses anciens privilèges  ; mais, du reste, aussi ennemi du despotisme, aussi favorable à la liberté civile, et aussi amoureux de la liberté politique que le tiers-état ou la noblesse, il proclame que la liberté individuelle doit être garantie, non point par des promesses, mais par une procédure analogue à celle de l’habeas corpus. Il demande la destruction des prisons d’État, l’abolition des tribunaux exceptionnels et des évocations, la publicité de tous les débats, l’inamovibilité de tous les juges, l’admissibilité de tous les citoyens aux emplois, lesquels ne doivent être ouverts qu’au seul mérite  ; un recrutement militaire moins oppressif et moins humiliant pour le peuple, et dont personne ne sera exempt  ; le rachat des droits seigneuriaux, qui, sortis du régime féodal, dit-il, sont contraires à la liberté  ; la liberté illimitée du travail, la