Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/268

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de la liberté politique s’était offerte à l’esprit des Français et leur devenait chaque jour de plus en plus attrayante. On s’en aperçoit à bien des signes. Les provinces commencent à concevoir le désir de s’administrer de nouveau elles-mêmes. L’idée que le peuple tout entier a le droit de prendre part à son gouvernement pénètre dans les esprits et s’en empare. Le souvenir des anciens États-généraux se ravive. La nation, qui déteste sa propre histoire, n’en rappelle avec plaisir que cette partie. Le nouveau courant entraîne les économistes eux-mêmes, et les force d’embarrasser leur système unitaire de quelques institutions libres.

Lorsqu’en 1771 les Parlements sont détruits, le même public qui avait eu si souvent à souffrir de leurs préjugés s’émeut profondément en voyant leur chute. Il semblait qu’avec eux tombât la dernière barrière qui pouvait contenir encore l’arbitraire royal.

Cette opposition étonne et indigne Voltaire. « Presque tout le royaume est dans l’effervescence et la consternation, écrit-il à ses amis ; la fermentation est aussi forte dans les provinces qu’à Paris même. L’édit me semble pourtant rempli de réformes utiles. Détruire la vénalité des charges, rendre la justice gratuite, empêcher les plaideurs de venir à Paris des extrémités du royaume pour s’y ruiner, charger le roi de payer les frais de justices seigneuriales, ne sont-ce pas là de grands services rendus à la nation ? Ces Parlements, d’ailleurs, n’ont ils pas été souvent persécuteurs et barbares ? En vérité, j’admire les Welches de prendre le parti de ces bour-