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CHAPITRE V


comment on souleva le peuple en voulant le soulager.


Comme le peuple n’avait pas paru un seul instant, depuis cent quarante ans, sur la scène des affaires publiques, on avait absolument cessé de croire qu’il pût jamais s’y montrer ; en le voyant si insensible, on le jugeait sourd ; de sorte que, lorsqu’on commença à s’intéresser à son sort, on se mit à parler devant lui de lui-même comme s’il n’avait pas été là. Il semblait qu’on ne dût être entendu que de ceux qui étaient placés au-dessus de lui, et que le seul danger qu’il y eût à craindre était de ne pas se faire bien comprendre d’eux.

Les gens qui avaient le plus à redouter sa colère s’entretenaient à haute voix en sa présence des injustices cruelles dont il avait toujours été victime ; ils se montraient les uns aux autres les vices monstrueux que renfermaient les institutions qui lui étaient le plus pesantes ;