Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/292

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celui-ci s’épuise pour mettre leurs biens en valeur ». Le roi dit, de son côté, dans une occasion analogue : « Sa Majesté veut défendre le peuple contre les manœuvres qui l’exposent à manquer de l’aliment de première nécessité en le forçant de livrer son travail a tel salaire qu’il plaît aux riches de lui donner. Le roi ne souffrira pas qu’une partie des hommes soit livrée à l’avidité de l’autre. »

Jusqu’à la fin de la monarchie, la lutte qui existait entre les différents pouvoirs administratifs donnait lieu à toutes sortes de manifestations de cette espèce : les deux contendants s’accusaient volontiers l’un l’autre des misères du peuple. Cela se voit bien, notamment dans la querelle qui s’émut en 1772 entre le Parlement de Toulouse et le roi, à propos de la circulation des grains. « Le gouvernement, par ses fausses mesures, risque de faire mourir le pauvre de faim, » dit ce Parlement. — « L’ambition du Parlement et l’avidité des riches causent la détresse publique, » repart le roi. Des deux côtés, on travaille ainsi à introduire dans l’esprit du peuple l’idée que c’est aux supérieurs qu’il doit toujours s’en prendre de ses maux.

Ces choses ne se trouvent pas dans des correspondances secrètes, mais dans des documents publics, que le gouvernement et le Parlement ont soin de faire imprimer et publier eux-mêmes à milliers. Chemin faisant, le roi adresse à ses prédécesseurs et à lui-même des vérités fort dures. « Le trésor de l’État, dit-il un jour, a été grevé par les profusions de plusieurs règnes. Beau-