Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/293

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coup de nos domaines inaliénables ont été concédés à vil prix. » — « Les corporations industrielles, lui fait-on dire une autre fois avec plus de raison que de prudence, sont surtout le produit de l’avidité fiscale des rois. » — « S’il est arrivé souvent de faire des dépenses inutiles et si la taille s’est accrue outre mesure, remarque-t-il plus loin, cela est venu de ce que l’administration des finances, trouvant l’augmentation de la taille, à cause de sa clandestinité, la ressource la plus facile, y avait recours, quoique plusieurs autres eussent été moins onéreuses à nos peuples. »

Tout cela était adressé à la partie éclairée de la nation, pour la convaincre de l’utilité de certaines mesures que des intérêts particuliers faisaient blâmer. Quant au peuple, il était bien entendu qu’il écoutait sans comprendre.

Il faut reconnaître qu’il restait, jusque dans cette bienveillance, un grand fonds de mépris pour ces misérables dont on voulait si sincèrement soulager les maux, et que ceci rappelle un peu le sentiment de madame du Châtelet, qui ne faisait pas difficulté, nous dit le secrétaire de Voltaire, de se déshabiller devant ses gens, ne tenant pas pour bien prouvé que des valets fussent des hommes.

Et qu’on ne croie point que ce fussent Louis XVI seul ou ses ministres qui tinssent le langage dangereux que je viens de reproduire ; ces privilégiés qui sont l’objet le plus prochain de la colère du peuple ne s’expriment pas devant lui d’une autre manière. On doit reconnaître qu’en France les classes supérieures de la société com-