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Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/297

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sent de quelque privilège d’impôts dans la paroisse, nobles, ecclésiastiques ou roturiers, et quels sont précisément ces privilèges ; quelle est la valeur des propriétés de ces exempts ; s’ils résident ou non sur leurs terres ; s’il s’y trouve beaucoup de biens d’Église, ou, comme on disait alors, de fonds de main-morte, qui soient hors de commerce, et leur valeur. Tout cela ne suffit pas encore pour la satisfaire ; il faut lui dire à quelle somme on peut évaluer la part d’impôts, taille, accessoires, capitation, corvée, que devraient supporter les privilégiés, si l’égalité d’impôts existait.

C’était enflammer chaque homme en particulier par le récit de ses misères, lui en désigner du doigt les auteurs, l’enhardir par la vue de leur petit nombre, et pénétrer jusqu’au fond de son cœur pour y allumer la cupidité, l’envie et la haine. Il semblait qu’on eût entièrement oublié la Jacquerie, les Maillotins et les Seize, et qu’on ignorât que les Français, qui sont le peuple le plus doux et même le plus bienveillant de la terre tant qu’il demeure tranquille dans son naturel, en devient le plus barbare dès que de violentes passions l’en font sortir.

Je n’ai pu, malheureusement, me procurer tous les Mémoires qui furent envoyés par les paysans en réponse à ces questions meurtrières ; mais j’en ai retrouvé quelques-uns, et cela suffit pour connaître l’esprit général qui les a dictés.

Dans ces factums, le nom de chaque privilégié, noble ou bourgeois, est soigneusement indiqué ; sa manière