Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/365

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de tels héritiers ou d’autres héritiers nobles, le bien devait être licité.

Une des portions les plus caractéristiques du code de Frédéric est le droit pénal en matière politique qui y est joint.

Le successeur du grand Frédéric, Frédéric-Guillaume II, qui, malgré la partie féodale et absolutiste de la législation dont je viens de donner un aperçu, croyait apercevoir dans cette œuvre de son oncle des tendances révolutionnaires, et qui en fit suspendre la publication jusqu’en 1794, ne se rassurait, dit-on, qu’en pensant aux excellentes dispositions pénales à l’aide desquelles ce code corrigeait les mauvais principes qu’il contenait. Jamais, en effet, on ne vit, même depuis, en ce genre, rien de plus complet ; non-seulement les révoltes et les conspirations sont punies avec la plus grande sévérité ; mais les critiques irrespectueuses des actes du gouvernement sont également réprimées très-sévèrement. On défend avec soin l’achat et la distribution d’écrits dangereux : l’imprimeur, l’éditeur et le distributeur sont responsables du fait de l’auteur. Les redoutes, les mascarades et autres amusements sont déclarés réunions publiques ; elles doivent être autorisées par la police. Il en doit être ainsi même des repas dans les lieux publics. La liberté de la presse et de la parole sont étroitement soumises à une surveillance arbitraire. Le port des armes à feu est défendu.

Tout à travers de cette œuvre à moitié empruntée au moyen-âge apparaissent enfin des dispositions dont l’extrême esprit centralisateur avoisine le socialisme. Ainsi il est déclaré que c’est à l’État qu’il incombe de veiller à la nourriture, à l’emploi et au salaire de tous ceux qui ne peuvent s’entretenir eux-mêmes et qui n’ont droit ni aux secours du seigneur ni aux secours de la commune : on doit assurer à ceux-là du travail conformément à leurs forces et à leur