Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/366

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capacité. L’État doit former des établissements par lesquels la pauvreté des citoyens soit secourue. L’État est autorisé, de plus, à détruire les fondations qui tendent à encourager la paresse, et distribuer lui-même aux pauvres l’argent dont ces établissements disposaient.

Les hardiesses et les nouveautés dans la théorie, la timidité dans la pratique, qui font le caractère de cette œuvre du grand Frédéric, s’y retrouvent partout. D’une part, on proclame le grand principe de la société moderne, que tout le monde doit être également sujet à l’impôt ; de l’autre, on laisse subsister les lois provinciales qui contiennent des exemptions à cette règle. On affirme que tout procès entre un sujet et le souverain sera jugé dans les formes et suivant les prescriptions indiquées pour tous les autres litiges ; en fait, cette règle ne fut jamais suivie quand les intérêts ou les passions du roi s’y opposèrent. On montra avec ostentation le moulin de Sans-Souci, et l’on fit plier sans éclat la justice dans plusieurs autres circonstances.

Ce qui prouve combien ce code, qui innovait tant en apparence, innova peu en réalité, et ce qui le rend, par conséquent, si curieux à étudier pour bien connaître l’état vrai de la société dans cette partie de l’Allemagne à la fin du dix-huitième siècle, c’est que la nation prussienne parut à peine s’apercevoir de sa publication. Les légistes seuls l’étudièrent, et de nos jours il y a un grand nombre de gens éclairés qui ne l’ont jamais lu.