l’accueillent avec des cris de fureur ; on le saisit, on le traîne au pied de la tribune, je le vis passer devant moi, pâle comme un mourant au milieu d’épées flamboyantes : je crus qu’on allait l’égorger et je m’écriai de toutes mes forces : « Arrachez-lui ses épaulettes, mais ne le tuez pas ! » ce qui fut fait.
Lamartine reparut alors. Je n’ai jamais su comment il avait employé son temps durant les trois heures pendant lesquelles nous fûmes envahis ; je l’avais entrevu durant la première ; il était placé, à ce moment-là, sur un banc au-dessous du mien, et il peignait ses cheveux collés par la sueur avec un petit peigne qu’il avait tiré de sa poche ; la foule se reforma et je ne le revis plus. Il paraît qu’il se rendit dans les salles intérieures du palais où avait également pénétré le peuple, qu’il voulut le haranguer et en fut fort mal reçu. On me raconta, le lendemain, sur cette scène des détails curieux, que j’eusse rapporté ici, si je n’avais résolu de ne dire que ce que j’ai vu. On assure qu’ensuite, il se retira près de là, dans le palais, alors en construction, destiné aux affaires étrangères ; il eût assurément mieux fait d’aller se mettre à la tête de la garde nationale et de venir nous délivrer. Je pense qu’il fut saisi d’une de ces défaillances de cœur auxquelles sont sujets les hommes les plus braves (et il était du nombre de ceux-là) quand ils ont l’imagination mobile et vive.