Quand il rentra dans la salle, il avait retrouvé son énergie et son beau langage ; il nous dit que sa place n’était pas dans l’Assemblée, mais dans la rue, qu’il allait marcher sur l’Hôtel de Ville et y étouffer l’insurrection. Ce fut la dernière fois que je l’entendis applaudir avec transport. Il est vrai que ce n’était pas lui seulement qu’on applaudissait, mais la victoire ; ces cris, ces battements de mains, n’étaient qu’un écho des passions tumultueuses qui agitaient encore tous les cœurs. Lamartine sortit ; les tambours qui avaient battu la charge une demi-heure auparavant battirent la marche. Les gardes nationaux et les gardes mobiles, qui étaient encore en foule au milieu de nous, se rassemblèrent et le suivirent. L’Assemblée, encore très incomplète, reprit sa séance ; il était six heures.
Je rentrai un instant chez moi pour prendre de la nourriture ; je retournai ensuite à l’Assemblée, qui s’était déclarée en permanence ; nous apprîmes bientôt que les membres du nouveau gouvernement provisoire étaient arrêtés. On mit en accusation Barbès et ce vieil imbécile de Courtais, qui ne méritait que les étrivières ; bien des gens voulaient y mettre aussi Louis Blanc, mais celui-ci entreprit courageusement de se défendre ; il venait d’échapper avec peine à la fureur des gardes nationaux qui occupaient la porte, il avait encore ses habits déchirés, souillés de poussière et en désordre.