tra alors sur la carte toutes les rues qui avaient déjà été enlevées et qui étaient occupées et toutes celles qui restaient à prendre et il ajouta : « Si les insurgés veulent se défendre sur le terrain qui leur reste comme ils l’ont fait sur celui que nous avons déjà conquis, nous pouvons en avoir pour huit jours encore et nos pertes seront énormes, car nous perdons plus qu’eux ; ici, c’est le premier auquel la force morale manquera qui sera vaincu. »
Je lui reprochai alors de s’exposer si témérairement et, à mon avis, si inutilement. « Que voulez-vous que je fasse ? me dit-il. Dites à Cavaignac de m’envoyer des généraux qui sachent ou veuillent me seconder et je me tiendrai plus à l’écart ; mais il faut sans cesse payer de sa personne, quand on ne compte que sur soi. » M. Thiers survint alors et se jeta au cou de Lamoricière en lui disant qu’il était un héros. Je ne pus m’empêcher de sourire en voyant cette effusion, car ils ne s’aimaient point, mais le grand péril est comme le vin, il rend les hommes tendres.
Je laissai Lamoricière dans les bras de M. Thiers et retournai à l’Assemblée ; il était tard ; et je ne sache d’ailleurs rien de plus sot qu’un homme qui se fait casser la tête à la guerre par curiosité.
Le reste du jour s’écoula comme la veille ; même anxiété dans l’Assemblée, même inaction fébrile, même fermeté.