Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/279

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Parmi ses membres, les uns avaient passé leur vie à diriger ou à contrôler l’administration sous le dernier gouvernement. Ils n’avaient jamais vu, étudié, compris que la monarchie. Encore, pour la plupart, en avaient-ils appliqué plutôt qu’étudié les principes. Ils ne s’étaient guère élevés au-dessus de la pratique des affaires. Chargés aujourd’hui de réaliser des théories qu’ils avaient toujours méconnues ou combattues, et qui les avaient soumis sans les convaincre, il leur était bien difficile d’apporter à leur travail d’autres idées que des idées monarchiques ; ou, s’ils entraient dans les idées républicaines, ils devaient le faire tantôt avec timidité, tantôt avec emportement, toujours un peu au hasard comme des novices.

Quant aux républicains proprement dits qui se trouvaient dans la commission, ceux-là avaient peu d’idées d’aucune sorte, si ce n’est celles qu’ils avaient conçues en lisant les journaux, ou en les écrivant ; car plusieurs étaient journalistes. Marrast avait, comme on sait, dirigé le National pendant dix ans ; Dornès en était alors le directeur en chef. Vaulabelle, esprit sérieux, mais grossier et même cynique, écrivait habituellement dans cette feuille. C’est lui qui, un mois après, s’étonnait lui-même avec grande raison d’être devenu ministre de l’instruction publique et des cultes.

Tout cela ne ressemblait guère à ces hommes, si