Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/291

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ces soubresauts dont je viens de parler : il fut uniment plat d’un bout à l’autre. Il restait d’ordinaire, silencieux tant que la majorité était indécise ; mais, dès qu’il la voyait se prononcer en faveur d’opinions démocratiques, il courait impétueusement se mettre à sa tête et la dépassait souvent de très loin. Une fois, il s’aperçut au milieu du chemin qu’il s’était trompé, et que la majorité ne marchait pas dans le sens qu’il avait cru ; aussitôt par un prompt et leste effort de l’intelligence, il s’arrêta, se retourna et revint toujours en courant vers l’avis dont il s’éloignait.

Presque tous les anciens parlementaires opinèrent ainsi contre les deux Chambres. La plupart cherchèrent des prétextes plus ou moins plausibles de leurs votes. Les uns voulaient trouver dans un conseil d’État le contrepoids qu’ils reconnaissaient nécessaire, les autres se promettaient d’assujettir l’assemblée unique à des formes dont la lenteur l’assurerait contre ses propres entraînements et contre la surprise, mais la raison véritable finit par être donnée. Nous avions dans la commission un ministre du saint Évangile, M. Coquerel, qui, voyant ses confrères du clergé catholique entrer dans l’assemblée, voulut y paraître aussi et il eut tort ; de prédicateur fort admiré qu’il était, il se transforma tout à coup en orateur politique très ridicule. Il ne pouvait guère parler sans dire pompeusement quelques