Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/370

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mettais un grand empressement à le placer. Lors même que son protégé était peu capable, si le poste était sans importance, il m’arrivait, d’ordinaire, de le lui donner ; mais, le plus souvent, le président honorait de ses recommandations des gens de sac et de corde, qui s’étaient jetés autrefois en désespérés dans son parti, ne sachant plus où aller, et dont il se croyait l’obligé ; ou bien, il entreprenait de placer dans les grandes ambassades ce qu’il appelait des gens à lui ; c’est-à-dire, le plus souvent, des intrigants ou des fripons. Dans ce cas, je l’allais trouver, je lui faisais connaître les règlements qui s’opposaient à son désir, les raisons politiques qui m’empêchaient d’y obtempérer ; j’allais même quelquefois jusqu’à lui laisser entrevoir que je me retirerais plutôt que d’en passer par ce qu’il désirait. Comme il n’apercevait, au travers de mes refus, aucune vue particulière, ni aucun désir systématique de lui résister, il cédait sans m’en vouloir ou ajournait l’affaire.

Je n’avais pas aussi bon marché de ses amis. Ceux-ci étaient d’une ardeur sans égale à la curée. Ils m’assaillaient sans cesse de leurs demandes, avec tant d’importunité et souvent d’impertinence que j’eus souvent envie de les faire jeter par la fenêtre. Je m’efforçais pourtant de me contenir. Une fois, cependant, que l’un d’eux, vrai gibier de potence, insistait avec hau-