Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/408

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j’appris tout à coup que le plénipotentiaire autrichien changeant soudainement d’attitude et de langage, avait posé, le 19 juillet, dans les termes les plus durs un ultimatum très rigoureux et n’avait laissé que quatre jours pour y répondre. Au bout de ces quatre jours l’armistice devait être dénoncé et la guerre reprise. Déjà le maréchal Radetsky concentrait son armée et se préparait à entrer de nouveau en campagne. Ces nouvelles, contraires aux assurances pacifiques qui nous étaient données, me surprirent étrangement et m’indignèrent. Des demandes si exagérées, présentées avec des formes si hautaines et si violentes, semblaient annoncer que la paix n’était pas le seul but de l’Autriche, mais que c’était à l’indépendance du Piémont qu’on en voulait, et peut-être à ses institutions représentatives ; car tant que la liberté se montre dans un coin de l’Italie, l’Autriche se sent mal assise dans tout le reste.

Je pensai sur-le-champ qu’à aucun prix il ne fallait laisser opprimer un voisin si proche, livrer aux armées autrichiennes un territoire qui couvrait nos frontières, ni souffrir qu’on abolît la liberté politique dans le seul pays où, depuis 1848, elle se fût montrée modérée. Je trouvai de plus que le procédé de l’Autriche à notre égard indiquait soit l’intention de nous tromper, soit l’envie de prouver jusqu’où pouvait