Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/47

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lui demandai, s’il n’apercevait pas quelque issue honnête pour sortir d’une situation fâcheuse, quelque transaction honorable qui permît à chacun de reculer. J’ajoutai que mes amis et moi nous serions heureux qu’on nous l’indiquât et que nous ferions tous nos efforts pour la faire accepter à nos collègues de l’opposition : il écouta attentivement mon discours, m’assurant qu’il comprenait ma pensée ; mais je vis bien qu’il n’y entrait point. « Les choses en étaient arrivées à ce point, dit-il, qu’on ne pouvait plus trouver l’expédient que je cherchais ; le gouvernement était dans son droit, il ne pouvait céder ; si l’opposition persistait dans son chemin, il en résulterait peut-être un combat dans la rue, mais ce combat était prévu depuis longtemps, et, si le gouvernement était animé des mauvaises passions qu’on lui supposait, il désirerait cette lutte au lieu de la craindre, bien sûr qu’il était d’un triomphe. » Il partit de là pour me faire complaisamment le détail de toutes les mesures militaires, qui étaient prises, de l’étendue des ressources, du nombre des troupes, de l’accumulation des munitions… Je le quittai, convaincu que le gouvernement, sans travailler précisément à faire naître l’émeute, était loin de la redouter et que le ministère, assuré de rester vainqueur, voyait dans l’événement qui se préparait, le seul moyen qui lui restât peut-