instruits, parce qu’ayant conservé en partie le droit de réfléchir, ils ne peuvent pas être insensibles à leur esclavage, et ils doivent, à moins qu’ils ne soient tout-à-fait stupides, faire de grandes réflexions sur les conséquences du mariage sous la tyrannie ; et pour faire une distinction moins désagréable et moins outrageante pour ces hommes, que celle de riches et de pauvres, je la ferai entre les êtres qui pensent et ceux qui ne pensent pas. Je dis donc que celui qui pense, et qui peut vivre sans travailler pour se nourrir, ne doit jamais se marier sous la tyrannie, parce qu’il trahit sa façon de penser, la vérité, lui-même et ses enfans. Il n’est pas difficile de penser ce que j’avance. Je suppose que l’homme pensant doit connaître la vérité, et alors indubitablement il doit souffrir fortement en lui-même d’être né sous un gouvernement tyrannique, où l’on ne conserve de l’homme que la figure : or, celui qui se plaint d’être né dans cet état, aura-t-il le courage, ou pour mieux dire, la cruauté d’y renaître par ses enfans ? d’ajouter à la crainte qu’il éprouve pour lui-même ce qu’il aura à craindre pour sa femme et pour ses enfans ? Il me paraît que c’est multiplier les maux à un tel point, que je ne pourrai jamais
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