Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/149

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croire que celui qui prend une femme dans la tyrannie, pense et connaisse pleinement la vérité.

Le premier objet du mariage est sans doute d’avoir une compagne douce et fidèle, pour partager avec elle les événemens de la vie, et que la mort seule puisse nous enlever. Supposant maintenant l’impossible, c’est-à-dire, que les mœurs ne soient pas corrompues sous la tyrannie, et que cette compagne ne puisse avoir d’autre soin ni d’autre désir que de plaire à son mari ; qui peut lui donner l’assurance qu’elle ne sera pas séduite, corrompue, ou même enlevée par les ordres du tyran ou par ceux de ses nombreux et puissans ennemis ? Collatin est un exemple assez clair pour démontrer la possibilité d’un tel fait ; mais les effets qui naquirent de ce viol ne peuvent pas être espérés dans le siècle où nous vivons, quoique les mêmes causes existent tous les jours. J’entends dire, autour de moi, que le tyran ne peut vouloir la femme de tous ; qu’il est très-rare, même dans nos mœurs actuelles, qu’il cherche à en séduire deux ou trois, et que cette séduction se fait par des dons, des promesses et des honneurs accordés aux maris, mais jamais par la violence ouverte.