Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/15

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qui exercent la tyrannie, s’offensent hautement d’être appelés tyrans. Une telle confusion de noms et d’idées a mis entre nous et les anciens une telle différence d’opinion, qu’à leurs yeux un Titus, un Trajan, ou quelqu’autre prince, encore plus rare par sa bonté, aurait pu être traité par eux de tyran, tandis que parmi nous un Néron, un Tibère, un Philippe II, un Henri VIII, ou tout autre monstre moderne, capable d’égaler les anciens, pourrait être appelé prince légitime ou roi : tel est l’aveuglement du vulgaire ignorant, porté dans ce siècle à un tel degré, qu’il se laisse facilement tromper par de simples noms ; que sous un autre titre, il met son bonheur à avoir des tyrans, tandis qu’il déplore le malheur des anciens peuples qui les souffraient.

Chez les nations modernes on ne donne donc le nom de tyran (et encore tout bas et en tremblant), qu’à ces princes seulement qui, sans aucune formalité, ravissent à leurs sujets, la vie, les biens et l’honneur.

On appelle, au contraire, rois et princes, ceux qui pouvant disposer de toutes les choses à leur fantaisie, les laissent néanmoins à leurs sujets, ou ne les ravissent