Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/150

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Voilà les raisons détestables qui rassurent les cœurs des maris qui ne craignent rien autant au monde que de ne pas être du nombre de ces heureux maris qui achètent aux dépens de leur propre infamie, le droit d’opprimer des hommes moins vils qu’eux.

Plusieurs siècles après Collatin, un autre viol royal eut lieu en Espagne, où les peuples alors moins civilisés, et par conséquent moins corrompus, chassèrent leurs indignes tyrans pour en prendre d’étrangers. Mais dans notre temps si illuminé, si civilisé, un viol par la force ne pourrait pas arriver, parce qu’il n’y aurait pas de femme qui voudrait se refuser au désir du tyran ; et si cependant une telle chose arrivait, je doute qu’on en tirât vengeance, parce qu’il n’y a pas de père, de frère ou de mari, qui ne se crût honoré d’un tel deshonneur. Et la vérité me force ici de dire une chose qui provoquera sans doute le ris des esclaves choisis de la tyrannie, mais qui, dans quelque coin du globe où les mœurs et la liberté se sont réfugiées, exciteront tout à la fois la douleur, l’étonnement et l’indignation : c’est que si de nos jours il se trouvait un homme assez courageux et magnanime pour se venger sur le tyran d’un outrage