Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/157

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qui parvient à lui plaire, quiconque reçoit de lui d’aussi grandes faveurs, ne peut, sans une vile ingratitude et sans être pire que lui, lui refuser son attachement. Je conviens de tout cela, et j’ajoute une vérité non moins certaine : c’est que celui qui reçoit les faveurs du tyran, porte toujours l’ingratitude cachée dans le fond de son cœur, et est toujours beaucoup plus méchant que lui.

Voici quels en sont les motifs : la trop grande différence qui se trouve entre les choses que le tyran peut donner et celles qu’il peut ôter, rend cette haine nécessaire dans le cœur du plus grand nombre qu’il a outragé, tandis que l’amour que lui accordent ceux qu’il a favorisés, ne peut être que feint et arraché par la force. Il peut, il est vrai, prodiguer les richesses, les honneurs supposés et la puissance ; mais il peut aussi vous enlever, avec tout cela, des choses qu’il n’est pas en son pouvoir de vous rendre, telles que la vie et le véritable honneur.

Il est possible encore que l’ignorance totale des droits sacrés de l’homme fasse tomber certains individus dans l’erreur funeste d’aimer le tyran, parce que, quoiqu’il les dépouille des plus belles prérogatives de l’espèce humaine, il leur conserve la propriété