Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/158

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de certaines choses d’une bien moindre conséquence ; mais n’est-ce pas alors parce qu’ils savent très-bien qu’il pourrait tout aussi légitimement, c’est-à-dire, avec autant d’impunité, les dépouiller absolument de tout ce qu’ils possèdent ?

Qu’il est étrange cet amour ! puisqu’on peut entièrement l’assimiler à celui que l’on aurait pour un tigre qui ferait grâce de la vie à celui qu’il pourrait dévorer. Ce sont les hommes de la classe pauvre et inculte, qui éprouvent cette affection stupide. Ils n’ont pas d’autre bonheur que celui de ne pas voir le tyran, dont ils ne peuvent pas même avoir l’idée ; et ces hommes le redoutent beaucoup moins, parce qu’il ne leur reste rien à perdre. C’est pourquoi cette justice, telle qu’elle, qu’on leur administre au nom du tyran, persuade à leur ignorance irréfléchie, que sans le tyran ils n’obtiendraient point cette demi-justice. Mais ceux qui l’approchent tous les jours, qui en connaissent l’incapacité, ou la perfidie, comment pourront-ils penser ainsi, malgré la splendeur, les honneurs et les richesses qu’ils en obtiennent ? Ils connaissent trop quelle est la puissance immense du tyran ; ils chérissent trop les richesses qu’ils