Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

esclaves, c’est-à-dire, entre la partie qui opprime, et la partie opprimée.

Il y a cependant une grande différence entre la manière réciproque de ne pas s’aimer entre le tyran et ses sujets. Ceux-ci, comme tous offensés par le tyran et contraints de lui obéir, doivent pour la plupart le détester ; mais le tyran, comme un être que la majorité ne peut offenser, sinon par une révolte manifeste contre lui, ne doit détester que le petit nombre de ceux qu’il voit ou qu’il suppose être impatiens du joug ; et si ce petit nombre venait à montrer cette impatience, la vengeance du tyran aurait bientôt satisfait sa haine. Le tyran ne hait pas ses sujets, parce que ceux-ci ne cherchent jamais à l’offenser ; et quand, par hasard, un tyran doux et humain par caractère, vient à monter sur le trône, il peut acquérir, ou plutôt usurper le titre d’ami de son peuple. Cette renommée ne provient donc que de la nature du prince, moins méchant que l’autorité et la puissance de nuire qui lui est accordée. J’oubliais, sans m’en apercevoir, une des plus fortes raisons pour lesquelles il doit, sinon détester, au moins mépriser cette partie de ses sujets, qu’il voit habituellement et qu’il connaît ; la voici :