Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/163

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cette classe d’hommes, qui s’offre à ses regards, et qui cherche à avoir quelques communications avec lui, est certainement la plus dépravée de toutes ; un peu d’expérience lui suffit pour en être manifestement convaincu. Quant aux autres classes, qu’il ne connaît ni ne voit, et qui ne l’offensent en aucune manière, il est possible de croire que le tyran, doué d’un caractère pacifique, puisse jusqu’à un certain point les aimer. Mais cet amour qu’on ne peut définir de la part de celui qui peut faire tout le bien et tout le mal pour ceux qui ne peuvent lui faire ni bien ni mal, ne peut ressembler qu’à l’amour que les hommes peuvent porter à leurs chiens et à leurs chevaux ; c’est-à-dire, à proportion de leur docilité, de leur obéissance et de leur soumission entière et parfaite ; et certes ! les maîtres mettent moins de différence entre eux, leurs chiens, ou leurs chevaux, que celle que le tyran modéré met entre lui et ses sujets. Et cet amour pour eux ne sera donc qu’un outrage de plus qu’il fait à la triste nature humaine.