Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/178

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cuter une telle vengeance ; qu’il se persuade d’avoir mérité l’outrage qu’il a reçu, et qu’il le supporte avec patience. Mais si l’offensé se trouve tout-à-la-fois doué d’un courage élevé et d’un esprit illuminé ; si de cette vengeance privée, il ose concevoir et espérer la liberté universelles, c’est alors qu’il doit se livrer tout entier, mais toujours seul, à l’exécution de l’entreprise la plus grande et la plus importante ; qu’il abandonne toute pensée qui tienne en quelque chose à sa sûreté personnelle ; qu’il étouffe ces discours véhémens qu’il ne pourrait, sans un danger grave et inutile, adresser à ses amis pour les engager à conjurer avec lui ; que tout son feu s’exhale par un seul coup décisif, secret et bien assuré ; qu’il laisse ensuite à l’effet qui doit en résulter le soin d’étendre et de consolider la conjuration ; qu’il abandonne alors au destin le soin de son salut. J’expliquerai plus clairement par des exemples.

Le peuple Romain se souleva et conjura heureusement contre ses tyrans ; il détruisit d’un seul coup la tyrannie alors qu’il s’insurgea, après tant de flétrissures essuyées de la part des Tarquins, à la vue du spectacle terrible et touchant de Lucrèce violée