Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/184

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raison qu’ils étaient élevés et forcés depuis plusieurs générations à se croire tels. Or, si dans le sein même de la plus éclatante liberté politique qui ait existé sur le globe, ces hommes ignorans et avilis, croyaient que la nature les avait dévoués seuls à l’esclavage, doit-on s’étonner si dans les tyrannies actuelles, où l’on ne prononce pas même le nom de liberté, tous ceux qui y naissent se croient, avec raison, des véritables esclaves ; ou pour mieux dire, ne connaissant aucune liberté, ils ne peuvent pas avoir une idée précise de leur servitude.

Les peuples actuels méritent plus notre compassion que la haine ou le mépris. Ils sont innocemment, par seule ignorance et sans le savoir, les complices du crime de la servitude, de ce crime dont ils supportent la peine la plus grande et la plus terrible. Les hommes pensans doivent courageusement imprimer le sceau du mépris et de l’infamie, ou toute autre marque plus avilissante encore, sur le front de ces hommes qui, n’étant ni ignorans, ni tout-à-fait sans moyens, savent très-bien qu’ils sont esclaves sous la tyrannie, et qui, cependant, trahissent honteusement, chaque jour, la vérité, leurs devoirs et ceux de la société, pour venir se