Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/189

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sur-tout sous nos gouvernemens violens, et comme la punition du seul tyran ne fait, le plus souvent, qu’accroître les forces de la tyrannie, je suis contraint d’écrire, en frémissant, une cruelle vérité : c’est que dans la cruauté même, dans les injustices continuelles, dans les rapines, dans la dépravation atroce des mœurs, est placé le plus court, le plus efficace et le plus sur remède contre la tyrannie. Plus le tyran est coupable et scélérat, plus il étend manifestement l’abus de son autorité illégitime et illimitée, plus il laisse d’espérance que la multitude enfin se réveillera, qu’elle écoutera, entendra et s’enflammera aux accens de la vérité, et qu’alors elle mettra fin, d’une manière solennelle et pour toujours, à un gouvernement si déraisonnable et si féroce. Il faut considérer que très-rarement la multitude croit à la possibilité des maux qu’elle n’a pas longuement éprouvés ; c’est pour cela que les hommes vulgaires ne regardent pas comme monstrueux le gouvernement tyrannique, jusqu’à ce qu’un ou plusieurs monstres gouvernant successivement, ne leur en aient donné la preuve funeste et incontestable, par des crimes inouis. Si jamais un bon citoyen pouvait devenir le ministre d’un tyran