Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/192

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que ces tyrannies sont modérées et supportables, pourquoi les dévoiler et les persécuter avec tant de chaleur et tant de haine » ? Parce que les injures les plus cruelles ne sont pas celles qui offensent le plus vivement ; parce qu’on doit mesurer les maux par leur profondeur et par leurs effets, plus que par leur force momentanée ; parce qu’enfin, celui qui ôte une once de sang par jour à un homme, ne le tue pas moins sûrement que celui qui l’assassine d’un seul coup ; il augmente seulement de beaucoup ses souffrances. Toutes les facultés de notre esprit sont anéanties, tous les droits de l’homme arrachés ou mutilés, toutes les volontés magnanimes arrêtées dans leur cours, ou détournées du sentier de la vérité, et mille et mille offenses semblables et continuelles, que je ne développerai point, pour ne pas mériter le nom pompeux de déclamateur ; et si la véritable vie de l’homme consiste dans l’exercice de ses forces intellectuelles et dans les puissances de son âme, une vie soumise à la crainte n’est-elle pas une mort perpétuelle ? Que sert à l’homme qui se sent né pour s’élever aux grandes choses par ses pensées et par ses actions, la conservation d’une vie matérielle et trem-