Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/200

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et salutaires. J’ajouterai que pour plus grand malheur, dans les choses humaines, la violence et quelques injustices apparentes sont quelques fois plus nécessaires, pour poser les bases d’un gouvernement libre sur les ruines d’un gouvernement tyrannique, que pour élever la tyrannie sur les ruines de la liberté. La raison en est claire. La tyrannie ne se met à la place de la liberté qu’avec une force effective, et tellement prépondérante que les menaces seules suffisent pour contenir l’universalité ; et tandis que d’une main elle fait briller le fer exterminateur, de l’autre elle répand à pleines mains cet or qu’elle a arraché avec ce même fer. Ainsi, après avoir détruit quelques chefs du peuple, après en avoir corrompu quelques-uns, qui étaient déjà dépravés et préparés à l’esclavage, le reste obéit en silence. Mais la naissante liberté, combattue avec un acharnement cruel par le grand nombre de ceux qui s’engraissaient de la tyrannie, froidement soutenue par le peuple qui, léger par sa nature, et pour ne point avoir goûté la liberté, ne la connaît qu’à peine et n’en sait pas tout le prix ; l’amour de la naissante liberté, cette flamme divine et incomparable, qui ne brûle dans toute sa grandeur et toute