Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/35

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idée de véritable justice venait, par hasard, à s’établir parmi son peuple, il deviendrait la première victime de cette même justice. Par cela même que nul homme (tel scélérat puisse-t-on le supposer) ne peut jamais, dans une société quelconque nuire si grièvement, et à tant de monde, qu’il le peut lui seul, chaque jour, impunément dans la tyrannie, tout tyran doit donc trembler au seul nom de la véritable justice ; toute lumière pure de la saine raison doit accroître ses soupçons ; tout rayon lumineux de vérité doit exciter sa fureur. Les bons l’épouvantent ; il ne se croit jamais en sûreté, s’il ne confie pas les places les plus importantes de l’État à des gens qui lui soient bien dévoués, c’est-à-dire, qui lui soient vendus, semblables à lui et pensant aveuglément d’après lui, ce qui signifie des gens plus injustes, plus tremblans, et pour cela plus cruels, et mille fois plus oppresseurs qu’il ne l’est lui-même.

Mais, me dira quelqu’un, « il peut se trouver un prince ami des hommes, et qui déteste le vice, qui fasse triompher et n’honorer que la vertu » ; à cela je réponds et je dis : Peut-il exister un homme