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Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/37

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remarque de plus que cet être pourrait, par un moyen si noble, acquérir, en place de cet affreux pouvoir de nuire qu’il aurait détruit, une gloire immense et jusqu’alors inconnue, la plus belle enfin qui puisse remplir le cœur d’un homme, celle d’avoir, par des privations légitimes et particulières, assuré la félicité durable d’un peuple tout entier.

Maintenant, quel est donc ce bon prince dont nos oreilles, chaque jour, sont étourdies des louanges données par la lâcheté et par la crainte ? Un homme qui ne veut pas être homme, et qui ne l’est vraiment pas dans le fait, mais en tout autre sens qu’il ne l’imagine ; un être qui veut sans doute le bien matériel des autres, c’est-à-dire, qu’ils ne soient ni nuds, ni obligés de mendier ; mais qui les voulant aveuglement obéissans aux caprices d’un seul, les veut nécessairement tout à-la-fois et stupides, et lâches, et vicieux, les voudrait encore plus bêtes qu’hommes. Un prince doué d’une telle bonté, si on peut en connaître d’autres, lorsqu’on est investi d’une autorité usurpée, illégitime et illimitée, serait-il moins tyran aux yeux de ceux qui raisonnent avec justesse, que le pire de tous les tyrans, puis-