Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/64

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pouvoir du premier ministre. Je n’ai fait que l’indiquer dans le chapitre précédent, je crois très-important d’en parler ici d’une manière plus précise et plus étendue.

Cette fatale dignité attache d’autant plus de crédit et de pouvoir à celui qui en est revêtu, que l’incapacité de celui qui l’a confié est plus grande ; mais comme elle est donnée par la seule faveur du tyran, comme on ne doit pas supposer qu’un ministre capable et éclairé, puisse plaire à un tyran imbécille, il en résulte le plus souvent que ce premier ministre, aussi inepte au gouvernement que le tyran lui-même, lui ressemble entièrement dans l’impossibilité de faire le bien, et le surpasse de beaucoup dans la capacité, le désir et la nécessité de faire le mal. Les tyrans de l’Europe cèdent à leurs premiers ministres la jouissance et l’usufruit de tous leurs droits ; mais, parmi tous ces droits, celui qu’ils partagent avec plus d’étendue et moins de réserve, c’est la juste horreur des peuples pour le tyran ; et cette horreur est dans la nature de l’homme, qui ne souffre pas volontiers qu’un autre homme, né son égal, ravisse et exerce une autorité que le sort a donnée à un être qu’il croit d’une nature supérieure à la sienne ; autorité qui,