Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/65

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passant par des mains impures et illégitimes, double au moins son poids et ses funestes effets : et ce premier ministre sachant qu’il est souverainement et universellement abhorré, porte à tous, et à chacun en particulier, la haine la plus violente ; c’est pour cela qu’il punit, persécute, opprime, et même anéantit quiconque l’a offensé, peut l’offenser, en a la volonté, ou à qui il peut la supposer, et quiconque enfin n’a pas le bonheur de lui plaire. Le premier ministre trouve facilement ensuite le moyen de persuader au mannequin royal dont il a su se rendre l’ami, que toutes les violences et toutes les cruautés qu’il emploie pour sa propre sûreté, ne sont que pour assurer celle du tyran. Quelquefois le tyran, par caprice, par faiblesse ou par crainte, retire tout-à-coup au premier ministre ses faveurs et l’autorité, le chasse de sa présence, et lui laisse, par bonté spéciale, avec la vie, les richesses dont il a fait sa proie honteuse ; mais ce changement n’est autre chose qu’un surcroît de charges pour le peuple malheureux et subjugué. C’est ce qu’il est facile de démontrer. Le ministre disgracié, quoique convaincu de mille rapines, de mille fraudes, de mille injustices, n’est presque jamais