Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/67

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ruse et en méchanceté. Le ministre d’un tyran ne tombe presque jamais dans la disgrâce sans que quelqu’un de ceux qui sont directement ou indirectement les auteurs de sa ruine, ne lui succèdent. Or, comment ce successeur a-t-il pu détruire ces nombreux remparts que le premier avait élevés pour se maintenir dans sa place ? Par fortune ? Non, certes ; mais par un art supérieur. Et je demande, « si dans les cours, cet art supérieur doit supposer des moindres vices dans celui qui le possède et l’exerce si heureusement ? »

La non-férocité des tyrans modernes, qui n’est chez eux que le fruit de la non-férocité de leurs peuples, ne veut pas qu’on en vienne jusqu’à ôter la vie aux ex-ministres, pas même leurs richesses, quoique la plupart du temps elles ne soient que le produit honteux de leurs rapines et de leurs iniquités. Ils n’éprouvent donc d’autre châtiment que celui de se voir couverts d’opprobres, et l’objet du mépris de tous, principalement de ces hommes vils qui rampaient le plus lâchement à leurs pieds. Quelques-uns de ces vice-tyrans chassés poussent l’effronterie jusqu’à faire pompe de la tranquillité affectée qu’ils mettent à supporter leur disgrâce ; ils osent