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Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/96

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superstition et de l’ignorance absolue de ses peuples. Peu lui importe à présent, qu’on croie ou qu’on ne croie pas en Dieu ; il suffit au tyran qu’on croie en lui, et pour aider à cette croyance, plus avilissante et bien moins consolante pour nous, il emploie la persuasion qui résulte des armées permanentes qu’il solde à nos dépens.

Il y a cependant encore en Europe quelques tyrans, qui, pour couvrir leurs œuvres du masque de l’hypocrisie, se déclarent les soutiens de la religion, soit pour se faire passer pour pieux, soit pour plaire à la majorité, qui, jusqu’à présent, y croit encore et la respecte. Tout tyran prudent et rusé doit se conduire ainsi, soit pour ne pas se priver par une incrédulité inutile, de cette branche précieuse de l’autorité absolue qui naît de la fureur des prêtres dirigée par lui, et vice versa, de la sienne dirigée par eux ; soit qu’il craigne, en se conduisant autrement, qu’un fanatique religieux ne vienne à remplir les devoirs d’un fanatique de la liberté, et ces fanatiques religieux sont moins rares, beaucoup plus audacieux que les autres. Pourquoi les fanatiques de la liberté sont-ils plus rares ? C’est que le nom de la religion est dans toutes les bouches, tandis