Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/99

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vait déjà établi chez ces peuples. Les motifs de défense contre un autre état en étaient les prétextes plausibles ; la conséquence en devenait plus sourdement tyrannique que chez les anciens ; mais elle est restée aussi plus funeste et plus durable, parce qu’elle se cachait, en tout, sous le vêtement idéal d’une puissance civile et légitime.

Les Romains étaient élevés au milieu du sang ; leurs cruels spectacles qui, dans les temps de la république, les rendaient vertueusement féroces, ne les rendirent pas moins sanguinaires lorsqu’ils eurent cessé d’être libres. Néron, Caligula, etc. etc., massacrèrent leurs mères, leurs femmes, leurs frères et quiconque leur déplaisait ; mais aussi Caligula, Néron et leurs semblables, ne moururent que par le fer. Nos tyrans ne tuent jamais ouvertement leurs parens, rarement ils versent, sans nécessité, le sang de leurs sujets, si ce n’est avec les formes de la justice ; mais aussi nos tyrans meurent toujours dans leur lit.

Je ne nierai pas que la religion chrétienne n’ait contribué beaucoup à adoucir les mœurs générales, quoique depuis Constantin jusqu’à Charles VI, on puisse lire tant de traits d’une férocité basse, stupide et ignorante