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1533 APOLOGÉTIQUE (OBJET) — (HISTOIRE JUSQU’AU XVe SIÈCLE) 1534

décisive des unes sur les autres. Inutile d’ajouter que ces règles qui concernent l’apologétique scientifique conviennent à l’apologétique historique. Nous ne perdrons jamais de vue le mot si connu et souvent répété : Non indiget Ecclesia mendacio nostro. Droiture éclatante, bonne foi, loyauté, si ces qualités sont trop souvent absentes dans les discussions, il ne faut pas que ce soit du côté des catholiques. Aucun événement historique ne pourra ruiner un dogme chrétien tel que la primauté de saint Pierre ou l’infaillibilité du pape ; l’impartiale histoire n’admettra jamais que le christianisme soit une déchéance de notre espèce et ne se soit pas montré bienfaisant pour l’humanité. Si le devoir de l’apologiste est de réduire à néant les calomnies inspirées par une haine aveugle, il s’embarrassera peu des discussions sur la vie privée des Borgia, la révocation de ledit de Nantes ou les origines de telle église des Gaules ou d’Espagne — non certes que ce genre de questions soit négligeable. Il est intéressant de rechercher à cet égard la vérité, il serait avantageux de la découvrir, mais c’est l’affaire de l’historien, et l’apologiste, qui est avant tout un théologien, doit résister à la tentation d’imposer aux autres ce qui reste libre, ce qui n’est pas certain ; il ne suspectera pas des intentions qu’il est plus honnête, plus charitable, plus habile de supposer droites et saines ; il ne condamnera pas ceux qui résolvent autrement que lui des questions que l’Église n’a pas tranchées et qui restent livrées aux disputes des hommes.

On peut consulter les ouvrages indiqués à la fin de l’article précédent.

L. Maisonneuve.

III. APOLOGÉTIQUE. Histoire jusqu’à la fin du XV siècle. — I. Écriture sainte. II. Antiquité chrétienne. III. Moyen âge.

I. Écriture sainte. —Si l’apologétique est une science relativement récente, l’apologie est aussi ancienne que Je christianisme, la forme essentielle et primitive de la théologie, et le premier des apologistes est Jésus. On pourraitextraire de l’Évangile l’essence et la méthode d’un traité de la révélation. Le Verbe fait chair, plein de grâce et de vérité, nous est présenté comme celui qui voit et révèle aux hommes les réalités divines inaccessibles a la raison : Deum nemo vidit unquam : unigenitus Filins <jui est in sinu Patris, ipse enarravit. Joa., I, 18. Le vieillard Siméon célèbre le fils de Marie comme la lumière qui doit éclairer le monde : Lumen ad revelationem genlium et gloriam plebis lux Israël. Luc, II, 32. L’objet de l’enseignement donné aux apôtres est mystérieux : Vobis datum est nosse mysleria regni cxlorum, Matth., xiii, 11, cf. Marc, iv, 11 ; Luc, viii, 10 ; et c’est par leur ministère et celui de leurs successeurs que la révélation s’étendra à tous les hommes : Eunles ergo docete onines génies. Matth., xxviii, 19. C’est pour tous un devoir absolu d’adhérer aux enseignements et d’obéir aux préceptes que nous recevons par leur intermédiaire : Qui credideril et baplizatus fueril talvuserit : qui vero non crediderit condemnabitur. Marc, xvi, 16. Si autem Ecelesiam non audierit, sit tii ni ethnicus et publicanus. Matth., xviii, 17. Révélation, mystères, révélation médiate, obligation de la connaître et d’y adhérer, ne sont-ce point les éléments du traité De veva religionef Les motifs de crédibilité sont nettement formulés, à plusieurs reprises. Aux disciples de Jean qui demandent des preuves de sa mission divine, Jésus répond : Renuntiate qux audistit listit. r.ii i vident, claudi ambulant, leprosi mundantur, surdi audiunt, mortui resurgunt, pauperesevan(jelitantur. Matth., xi, 10. Les miracles appelés signa, Joa., ii, 11, sont présentés aux Juifs comme d’irréfutables arguments en faveur de la doctrine : Si non facto opéra l’ni rit met, nolite credere milti, si autem facto, et si mthi non vulitt credere, opertbus crédite, Joa., x, 37, et ces

preuves sont tellement apodictiques et indispensables que le Sauveur excuse l’incrédulité de ceux qui en furent privés : Si opéra non fecissem in eis qux nemo alius fecit, peccalum non haberent. Joa., xv, 24. Il a insisté spécialement sur les prophéties accomplies en sa personne et lui-même a prédit des événements concernant sa vie, Matth., xx, 18 ; Marc, x, 33 ; ses disciples, Matth., xxvi, 21 ; Luc, xxii, 34 ; Jérusalem et le peuple juif, Matth., xxiv, 25, 34 ; Luc, xxi, qui se sontréalisécs à la lettre.

Il n’a pas omis de joindre les notes intrinsèques aux signes externes ; il fait appel aux aspirations élevées des âmes et au contenu de ses révélations : Si quis voluerit voluntatem ejus [Dei] faccre, cognoscet de doctrina utrum ex Deo sit, an ego a meipso loquar. Joa., vu, 17. Animés et pénétrés de cet esprit, les apôtres recommandent aux fidèles d’être toujours prêts à rendre raison des espérances que la foi met dans le cœur : Parali semper ad salisfactionem omni poscenti vos rationem de ea qux in vobis est, spe. I Petr., iii, 15. Ce fut dès lors un courant ininterrompu de justifications, de démonstrations et de polémiques, dont les premiers témoignages sont les Epitres des apôtres, souvent dirigées contre les païens, les gnostiques et les judaïsants, et dont l’exposé constitue l’histoire de l’apologétique. On peut la diviser en quatre périodes : antiquité, moyen âge, temps modernes, temps actuels.

II. Antiquité chrétienne.

Nous devons nous borner à une vue d’ensemble et à quelques indications sommaires ; car l’article consacré à chacun des auteurs que nous citons contiendra de plus amples développements. Nous voulons seulement ici tracer les grandes lignes et établir la continuité de la tradition. Un des plus anciens ouvrages est l’épître dite de saint Barnabe, écrite sous Nerva (98) ou sous Hadrien (130 à 131), qui est un petit traité apologétique contre les Juifs. Vers 150 et 155, saint Justin adressa aux empereurs Antonin et Marc-Aurèle deux Apologies pour établir l’innocence des chrétiens et la vérité de la doctrine qu’ils professaient. Le Dialogue avec le juif Tryphon est un essai de démonstration par l’Ecriture du caractère messianique de Jésus, de la vocation des gentils et de l’institution divine de l’Église. Les deux livres d’Athénagore, Wptrjotia. iup -/pianavôiv et fkp’i àvacrràuea) ; (176-180), sont, le premier, un plaidoyer politique, le deuxième, une série d’arguments en faveur de l’immortalité et de la résurrection. L’Épître à Diognète, d’auteur et de date inconnus, adresse à un païen l’exposition élogieuse du christianisme. Comme Quadrat, Apollinaire dont les ouvrages sont perdus, Méliton dont nous n’avons que des fragments, Aristidesdont on a retrouvé la défense pour éclairer et fléchir l’empereur Hadrien, Tertullien appartient encore à cette première catégorie des apologistes judiciaires. Ce nom, qui leur fut donné un peu artificiellement et superficiellement, a du moins l’avantage d’exprimer l’allure de plaidoirie de leurs œuvres et de faire allusion au tribunal de César auprès duquel ces avocats du culte nouveau défendaient les croyances et la conduite de leurs coreligionnaires. L’apologétique (197), pour les gouverneurs des provinces de l’Empire, est un modèle de discussion juridique, d’un style éclatant et âpre, tandis que par le livre contre les Juifs, la lettre à Scapula et l’exquis opuscule Dr testimonio anima, l’ardent et amer Africain peut être placé au premier rang des apologistes littéraires, malgré’le contraste absolu de sa manière avec l’élégance et la douceur de Minucius Félix dont VUrtavius est un dialogue aimable bien fait pour persuader. Athées, criminels, rebelles, tels étaient les reproches dont le paganisme flétrissait les chrétiens, il fallut d’abord se défendre, puis l’exposition doctrinale et la polémique devinrent nécessaires pour dissiper les préjugés, éclairer les intelligences : enlin, un appareil scienti /i’l>ie se joignit à la rhétorique et à l’éloquence, car