Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1953
1954
ARMÉNIE. CROYANCE ET DISCIPLINE


n’y a pas immédiatement après la mort de chacun de jugement particulier, mais que l'àme une fois séparée du corps s’en va dans une région supérieure (Gaijank), où elle attend sans récompense ni châtiment le jugement généra], ibid., p. 101-156 ; d’autres, que la vision béatiiique n’existe pas, Dieu ne pouvant être contemplé dans son essence par aucune intelligence créée, ibid., p. 157189 ; d’autres enfin, que le purgatoire est une chimère. Ibid., p. 191-224. Ces erreurs, ai-je besoin de le dire, ont été individuelles et non générales ; enseignées par quelques théologiens, elles ne sont jamais entrées dans la croyance commune de l'Église arménienne. Le théatin Galano, à l’ouvrage duquel je viens de renvoyer, n’a pas eu de peine à les réfuter à l’aide des seuls écrits d’autres auteurs arméniens.

Il est pourtant un point sur lequel les grégoriens, aujourd’hui encore, ne s’entendent pas avec les catholiques, je veux parler du purgatoire. Dans un travail d’ailleurs méritoire publié, sous le voile de l’anonyme, par l’un des membres les plus distingués de la société grégorienne, on trouve ce curieux passage : « L'Église d’Arménie admet un lieu de transition où resteront les âmes jusqu’au jour du jugement dernier et délinitif. Celles des justes y reposent dans la joie, en souvenir du bien qu’elles ont fait pendant leur vie terrestre, et en prévision de la récompense et du sort glorieux qui les attend un jour ; mais les âmes des pécheurs y sont tourmentées par le remords et la perspective du châtiment qui leur est réservé. Les prières que prescrit l'Église arménienne pour les morts ont pour objet de désarmer la colère de Dieu à l'égard de ces âmes coupables. » Cette longue note se réfère à la phrase suivante du texte : « Elle (l'Église d’Arménie) adresse à Dieu des prières pour les morts et pour le pardon de leurs péchés, mais elle n’admet pas de purgatoire, et ne reconnaît pas les indulgences. » Histoire, dogmes, traditions et liturgies de l'Église arménienne orientale, in-8°, Paris, 1855, p. 147. Dans Jes deux éditions ultérieures de ce livre publiées sous le nom d’Ed. Dulaurier, la phrase du texte est restée, mais la note a disparu. La même erreur, et partant les mêmes contradictions se retrouvent dans beaucoup d’autres récentes publications. Aussi ne sera-t-on pas surpris de rencontrer parmi les avis donnés par la S. C. de la Propagandeà Mu r Nourigian, en 1833, 1e passage suivant, dont la teneurlaisse suffisamment deviner la doctrine opposée : Judicium animarum particulare slatim posl obitum hominis fieri credatur, id est prompla remuneralio ac destinatio sive ad gloriam sire ad pœnam. Paradisus autem non terrestris aliijuis locus, sed omnino cselestis, inquo Dei visio intuitiva est, credatur. Purgatorium insuper et jus conredendi indulgentias extra otnnem dubilalionem sit. Lettre du 4 juillet 1833, dans Jur. pont, de Prop. fitlr, pari. I, t. V, p. 86.

Tout en niant le purgatoire, les grégoriens, par une étrange contradiction, ne laissent pas de prier pour les morts aussi bien que les catholiques. Les uns et les autres consacrent spécialement à cette dévotion le lendemain des cinq principales fêles Hnghavar) : Epiphanie, Pâques, Transfiguration, Assomption, Exaltation de la sainte Croix, ainsi quc le.jour des saints Vartaniens (jeudi gras). On chaule pendant la messe un cantique sur les trépassés, et, après la messe, on donne une sorte d’absoute, comprenant un cantique, un évangile et la mémoire de tous les défunts, Quelques-unes des hymnes funèbres ont été traduites par F. Nève, L 'Arménie chrétienne, p. 212-217.

VI. La primauté nu pape.

Après Jésus-Christ, I I glise. Quelle est sur ce dernier point la doctrine des Arméniens ? Comme bon nombre d’orientaux, il> dislinpuent entre Vessencc et Vexistence. dans son essence, le cbrislianisme est un, car son fondateur est unique, de Blême que son but ; mais il varie dans les condition- « le sou existence, dans leformes extérieures. Quelles sont

D1CT. DE THÊOL CATJIOL.

demanderez-vous, ces conditions, ces formes ? qu’embrassent-elles ? Il y a d’abord le rite, de l’aveu des catholiques eux-mêmes, puis la discipline et les usages, toutes choses qui constituent des droits et des devoirs pour chaque membre du corps social ; et, comme ces droits et ces devoirs s’exercent surtout par la hiérarchie, celle-ci n’est qu’une forme de l’existence ; elle peut varier sans que l’unité essentielle soit détruite. Ces principes posés, les conclusions sont faciles à tirer. L’Eglise est une dans son essence, et sous ce rapport elle a pour chef JésusChrist, et, dans une certaine mesure déterminée par les conciles, le pape ; elle varie dans ses modes d’existence, et chacun de ses groupes a pour chefs ses patriarches respectifs ; pour règles, des lois qui lui sont propres. Autant de patriarches, autant de hiérarchies distinctes, indépendantes, autonomes ; tous les patriarches étant égaux en pouvoir, car tous sont également chefs d’une hiérarchie, il ne saurait y avoir entre eux de subordination ; ils sont simplement coordonnes. Quelle sera dès lors la place du pape dans l'Église ? Il faut distinguer en lui le pape et le patriarche ; comme pape, il est l'égal des évêques ; comme patriarche, il est l'égal des autres patriarches. Seulement, il a reçu des conciles une priorité d’honneur sur les autres patriarches. Telle est, réduite à sa plus simple expression, la doctrine des Arméniens, tant anciens que nouveaux ; c’est elle qui a créé le dernier schisme de 1870, et, dans l’exposé qui précède, je n’ai guère fait que résumer la thèse du patriarche actuel des non-catholiques, M9 r Malachia Ormanian. Voir son livre, Le Vatican et les Arméniens, in-8°, Rome, 1873, p. 15 sq.

Dans cette conception de l’organisme intérieur de l’Eglise, l’idée dominante est la pleine autonomie des patriarcats respectifs. D’où leur vient cette autonomie ? De leur fondation même, œuvre des apôtres, envoyés par le Christ, et non par Pierre. En verlu de leur mission divine, les apôtres ont créé les diverses Églises, établissant dans chacune d’elles des usages spéciaux, qui contribuèrent par leur diversité même à laisser à chaque Église sa physionomie propre, et partant son autonomie. Ce qui, à l’origine, recommanda telle ville plutôt que telle autre au choix des apôtres, ce fut uniquement son importance politique. A supposer que la primauté' soit un dogme, le fait humain qui a attribué à l'évêque de Rome la possession de cette primauté rentre dans les conditions disciplinaires, dont le règlement appartient aux canons. Ormanian, op. cit., p. 112 sq. H est inutile de pousser plus loin notre examen. Au moyen âge comme aujourd’hui, c’est au nom du principe d'égalité entre les patriarches que les docteurs arméniens hostiles à Rome ont rejeté la primauté papale. Cf. Galano, op. cit., t. iii, p. 228-372. On trouvera dans cet auteur bon nombre de témoignages en faveur de la primauté tirés d’auteurs arméniens. Sur ce point comme sur tant d’autres, il y a solution de continuité dans l’enseignement de l’Eglise d’Arménie.

Voir aussi X…, Selecta testimonia doctorum ecclesim Armeniæ de S. liom. sedis Buprema auctoritate, in-8°, Venise, 1800 ; Ed. Hurmuzian, Dissertazione sul primato del romanoponteflcepi obato dalla sioria armena, in-8°, Venise, 1856 ; Et. Azaiïan, Ecclesia artnenu Iraditio c/e romain pontifteis primatu jurisdictionis et inerrabili magisterio, in-8', Hume, 1870 ; Al. Balgy, Historia iloclrinr CalholiCB mtrr Ar menoe unionisque eorum cum Ecclesia romana in concilia

Flurentino, in-8°, Vienne, 1878.

VII. Les sacrements.

Je n’ai pas à exposer ici toutes les particularités liturgiques en usage chez les Arméniens dans l’administration des sacrements, cette description trouvera sa place ailleurs ; je dois simplement indiquer les points qui intéressent la controverse.

° Baptême. — Connue les priTs et la plupart des orientaux, les Arméniens baptisent par immersion. Plongeant

I. - 62